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Photo du rédacteurJulien Lucas

Baldur's Gate 3 : Les limites du jeu vidéo

Plongée nostalgique dans l'univers des CRPG : Baldur's Gate 3 peut-il vraiment égaler la magie d'une partie de jeu de rôle autour d'une table ?


Logo Baldur's gate 3
Un simple coup d'œil et un frisson parcourt mon échine

Mes premiers amours avec le monde des CRPG remontent à l'époque où j'ai découvert "Baldur's Gate 1 & 2". Marcher dans ses ruelles tortueuses, combattre des ennemis innombrables et découvrir des intrigues profondes, chaque moment était une pure joie (c'est faux). Ma passion pour cet univers ne s'est pas arrêtée là. Elle m'a conduit à "Dark Alliance" sur Gamecube (le feu!), puis à "Icewind Dale", où les challenges glacés et les aventures épiques ne faisaient qu'alimenter ma soif d'aventure. Puis vint la révolution avec "Divinity 1 et 2" de Larian Studios. Chaque session de jeu était une plongée dans des mondes immersifs, avec des histoires tissées d'intrigue et de magie, malgré le fait que je n'aime pas l'univers de Larian. Alors, imaginez mon excitation à l'annonce du pré-lancement de "Baldur's Gate 3" en 2020. C'était comme si toutes mes aventures passées convergeaient vers ce moment précis. Une anticipation, une promesse de renouveau, et l'espoir d'un jeu qui saurait combler mes attentes et peut-être assouvir mon envie et remplacer mes sessions de jeu rôle! Mais comme j'allais le découvrir, l'expérience serait plus nuancée que je ne l'avais imaginé…


Icewind Dale
De mon temps, on savait faire de jeux !

Note préliminaire : Avant de plonger dans le cœur de mon ressenti, il est essentiel de mettre en lumière un point crucial : "Baldur's Gate 3" est sans conteste un chef-d'œuvre dans le domaine des CRPG/RPG, probablement le meilleur auquel j'ai eu le privilège de jouer. Je suis pleinement conscient des défis titanesques que représente la création d'un tel jeu et que ce que Larian Studio a accompli relève du prodige. Le talent, la passion et l'ingéniosité dont ils ont fait preuve pour transformer une vision aussi ambitieuse en réalité est admirable. Cependant, les réflexions qui suivent sont l'expression de mes attentes personnelles, notamment celle de retrouver le frisson unique du jeu de rôle sur table. Chaque critique émise ici n'est pas une remise en question de la qualité intrinsèque du jeu, mais plutôt de la manière dont il a répondu à une soif très spécifique. Je vous invite donc à lire avec cette perspective en tête.


Aventure Solo


Discrétion et combats : quand l'immersion s'effrite

Tout d'abord, le déclenchement des combats. Combien de fois ai-je été frustré par cette bizarre dichotomie entre les personnages engagés en combat et ceux qui, restant à l'écart, continuent de se déplacer librement ? C'est comme si le temps s'était scindé en deux, créant une rupture totale d'immersion. Imaginez : pendant qu'une partie de mes personnages sont figés dans le tour par tour, les retardataires à l'arrière peuvent se déplacer librement, courant à loisir autour de la zone de combat. Cette incohérence temporelle est tout sauf cohérente et perturbe le flux naturel d'une bataille.


De plus, le jeu néglige un élément essentiel du jeu de rôle sur table : les jets de perception lors d'une attaque en discrétion. Dans D&D, lorsqu'un personnage lance une attaque furtive, l'ennemi doit effectuer un jet de perception pour détecter la menace. Si l'ennemi échoue, il est surpris et doit chercher d'où vient l'attaque. C'est cette mécanique qui donne une véritable sensation de suspens et de stratégie. Malheureusement, dans Baldur's Gate 3, la plupart du temps, une simple action suffit à révéler la position du personnage à tous les ennemis, rendant l'effort de discrétion presque futile.

L'approche "Murder Hobo" : Une simplification dommageable

Dans le monde du jeu de rôle, le terme "Murder Hobo" fait référence à des personnages qui tuent sans discerner et accumulent du butin sans autre forme de considération. Baldur's Gate 3 semble parfois encourager ce comportement, surtout en limitant les interactions avec les ennemis neutralisés, ils gisent là inconscient au sol, comme mort, il est alors impossible de leur parler ou de retrouver quelconque interaction avec eux. Un exemple frappant est celui des adversaires qui, au fil des dialogues, apparaissent clairement comme étant sous une forme d'influence ou de possession. Prenons l'exemple de ces ennemis contrôlés par des masques qu'ils portent : il est frustrant de ne pas avoir la possibilité de leur retirer simplement le masque pour les libérer de cette emprise. L'absence de mécanismes pour discuter, capturer ou même avoir une simple interaction avec ces ennemis une fois en combat est décevante. Cela limite les options tactiques et stratégiques, réduisant parfois les rencontres "accidentelles ou pas" à de simples batailles jusqu'à la mort.


baldur's gate screen
Je voulais juste discuter moi...

L’exploration : Une liberté parfois illusoire

L'exploration est au cœur de l'expérience d'un CRPG, et Baldur's Gate 3 offre des décors à couper le souffle. Pourtant, certaines zones, bien visibles, demeurent étonnamment inaccessibles malgré la logique qui suggérerait le contraire. Prenez par exemple ces lianes qui ornent une tour : alors que vous avez récemment escaladé des structures similaires. "Et ouai ces lianes là c'est du décor mon pote y a quoi !?". Cette restriction est frustrante, en particulier lorsque vos capacités semblent indiquer que vous devriez être en mesure d'accéder à ces endroits. Il en va ainsi d'un temple mystérieux que vous observez (j'en ai perdu du temps sur celui là !), adjacent à une plateforme flottante .Vous pourriez imaginer utiliser un sort de vol pour aller jusqu'à cette plateforme pour ensuite utiliser un sort qui annihilerait les dégâts de chute pour sauter une centaine de mètres plus bas et atteindre ce temple ? Mais non, le jeu vous en empêche, vous suggérant silencieusement d'attendre que le scénario vous y conduise


Baldur's gate 3 Selunite Shar temple
C'est sûr que je peux le faire ! (non)

Un monde statique : Le manque de dynamisme post-exploration

Après avoir exploré une zone, l'attente est que le monde continue de vivre, d'évoluer. Pourtant, dans Baldur's Gate 3, certaines zones et marchands semblent figés dans le temps une fois qu'on les a découverts et interagis avec eux ils ont un nombre précis d'objet à vendre ou à ramasser et pas un de plus. Cette stase contraste avec l'idée d'un monde vivant et persistant, créant parfois une impression de superficialité tout en rendant le commerce très compliqué puisque les marchands ne peuvent plus acheter vos articles une fois leur or dépensé.

Les mécanismes de repos et de sauvegarde : L'illusion de la conséquence

Baldur's Gate 3 camp
Hop là ! Le troisième Long repos de la journée !

Au gré de vos aventures dans Baldur's Gate 3, la tentation d'abuser du système de sauvegarde et de repos semble irrésistible. Effectivement, on se trouve à pouvoir opter pour des "longs repos" presque après chaque combat sans que cela ne perturbe la chronologie de l'aventure ( à part quelques fois et vous serez prévenu). Qui plus est, l'absence de cycle jour/nuit accentue cette impression d'atemporalité. Quant aux échecs lors de vos jets de dé ou mauvais choix de dialogue, pas de panique ! La touche F5 sera votre meilleurs amie, prête à vous permettre de recharger la partie à votre convenance. Ce faisant, la conséquence, pilier essentiel de toute décision, semble disparaitre dans ce contexte, rendant les événements moins mémorables.


le MJ est votre ami : Oui, mais pas celui ci

Tout rôliste le sait : le Maître du Jeu (MJ) est à la fois le conteur et l'arbitre, un guide qui mène l'histoire tout en s'adaptant aux décisions des joueurs. Dans Baldur's Gate 3, cette entité semble parfois jouer des tours aux joueurs par des confrontations soudaines et des morts qui semblent injustes et arbitraires. Cette imprévisibilité, bien qu'intéressante en théorie, peut être frustrante en pratique, car elle manque parfois du contexte et de la flexibilité offerts par un MJ humain dans un jeu de rôle sur table. Là où, dans une partie traditionnelle, le MJ pourrait ajuster la difficulté ou fournir des indices basés sur les actions du groupe, le jeu vidéo a ses limites, rendant certaines situations inévitablement rigides.


Baldur's gate 3 Spectateur
Ravi de te rencontrer, même si je doute qu'on échange beaucoup...

Problème de l'Open World : Le piège de la complétude


Le format "semi Open World" de Baldur's Gate 3 est vaste et détaillé, incitant les joueurs à explorer chaque recoin et à s'immerger complètement. Si cela peut sembler attrayant, cela présente aussi un piège. Le désir de compléter chaque détail peut rendre le jeu fastidieux, avec une durée qui s'étire. Au lieu de se concentrer sur l'histoire principale, le joueur peut se sentir obligé de tout explorer, diluant ainsi l'impact narratif et même en décourager certains. Pour ma part je suis quasiment a 80 heures de jeu et j'entame seulement l'acte 2... Dans le jeu de rôle traditionnel, je ne rencontre pas cette problématique. Je n'ai pas conscience de chaque recoin accessible, chaque étagère, chaque livre ou caisse. C'est le maître du jeu (MJ) qui nous guide vers les éléments essentiels et qui recentre la partie si les joueurs commencent à se disperser.


Les dialogues : Entre illusions et incohérences


Les interactions verbales sont cruciales dans un JDR, mais Baldur's Gate 3 semble parfois offrir des choix qui, en fin de compte, n'ont pas l'impact escompté. L'impression d'avoir une multitude de choix peut se réduire à quelques trajectoires prédéterminées, limitant réellement la liberté du joueur. De plus, les interactions avec les compagnons sont très rares, ils vous laissent mener les discussions et attendent sagement à l'arrière, créant un sentiment de superficialité. Ajoutez à cela quelques incohérences dans les dialogues avec les PNJ, et cela peut briser l'immersion du joueur dans cet univers autrement riche.

Multijoueur


Ensemble mais Séparés : La Complexité du Mode Multijoueur

Pour moi, le cœur du jeu de rôle est l'interaction et la collaboration entre les joueurs. Toutefois, cela semble ardu dans ce contexte. Dans une partie classique de JDR, un MJ narre le récit, guidant tous les participants à travers l'aventure. Mais même un MJ doué aura du mal à gérer 4 dialogues avec 4 PNJ simultanément et même s'il y arrive, tous les joueurs à table pourraient entendre les dialogues. C'est en opposition avec Baldur's Gate où chaque joueur peut lancer un dialogue de son côté et "s'accaparer" une part de l'histoire à lui seul. En réalité, cela peut vite se transformer en une aventure solo avec 3 autres joueurs sur votre carte. le multijoueur dans Baldur's Gate 3 semble être un champ de bataille chaotique plutôt qu'une expérience collaborative soigneusement orchestrée. L'absence d'une centralisation narrative renforce le sentiment de désorganisation, faisant perdre à chacun le fil de l'histoire. Cela, combiné avec les autres points évoqués précédemment, crée une dissonance parfois gênante entre le jeu et l'expérience du jeu de rôle traditionnel.


Souvent, mes parties multi ont donné ceci : tout le monde se sépare et fait n'importe quoi. Un joueur, moins familiarisé avec le jeu, prend du retard sur les autres. Il traverse des zones déjà explorées par ses coéquipiers, croise des PNJs dépouillé de leurs quêtes de leurs objets ou de leur …vie et découvre des coffres vidés de leur contenu. Il pense que les seuls objets récupérables sont des légumes pourris (si les autres lui ont laissé ce privilège). Il continue à avancer, se retrouve à jouer en tour par tour dans le village sans comprendre pourquoi, et après quelques questions, réalise qu'il est en combat avec les gardes parce que l'un de ses amis a tenté de voler l'un d'entre eux.


En bref, jouer à Baldur's Gate en multijoueur nécessite une équipe disciplinée et bien coordonnée. Je suggère même de commencer par une partie solo pour une immersion totale dans le récit avant de se lancer dans le multijoueur.

Baldur's Gate 3, map
Selon vous, laquelle de ces lianes n'est pas juste pour la déco?

Conclusion


Baldur's Gate 3 : Entre Immersion et Compromis

Baldur's Gate 3 est sans conteste une réalisation impressionnante, offrant aux fans de CRPG une immersion profonde et une richesse narrative encore inégalée. Cependant, en tant que passionné des jeux de rôle traditionnels, je ne peux m'empêcher de ressentir certains manquements dans sa transposition numérique de l'expérience de table. Les libertés prises avec certaines mécaniques, la structure du monde ouvert, les limitations du multijoueur, entre autres, contribuent à créer une expérience parfois en décalage avec mes attentes.


Cela dit, il est essentiel de se rappeler que le jeu vidéo et le jeu de rôle sur table sont deux médiums différents, avec leurs propres contraintes et avantages. Chacun a sa place, et l'un n'est pas nécessairement supérieur à l'autre. Mais si vous, comme moi, êtes venus à Baldur avec l'espoir de retrouver exactement les sensations d'une soirée D&D autour d'une table avec des amis, vous pourriez être un peu déçu.


Mais ne vous y trompez pas, le jeu est magnifique et vaut la peine d'être exploré. Peut-être faut-il simplement ajuster ses attentes et l'apprécier pour ce qu'il est : une adaptation ambitieuse du jeu de rôle sur table à l'écran, avec tout ce que cela implique.

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